23. oct., 2018

Métier de policier

Claude

Je voudrais apporter mon témoignage sur un métier qui m’a été interdit à cause de mon daltonisme : policier.

À cette seule réserve que lorsque j’ai passé le concours, j’ai été inapte physique à cause de mon daltonisme. Je m’explique. Je savais déjà que j’étais daltonien et lors de la visite obligatoire, le médecin l’a donc détecté et m’a envoyé dans un centre de l’armée pour avoir un degré de daltonisme. Ainsi, j’ai passé le test de la lanterne de Beyne, des tests de classement (quand c’était en ligne, ça allait encore, mais une fois mélangé, pfuit, fini ! Pire, pour les teintes en blanc, aucune différence, même en ligne...) et j’ai été détecté d’après le test du SYGICOP à C4, donc le degré le plus haut. Il est éliminatoire, le médecin m’a dit que C3 aurait été bon...

Je les comprends car effectivement, et pour exagérer, si une voiture bleue passe et qu’on dit qu’elle était verte...

23. oct., 2018

Bizarre, bizarre

Séb

C’est en parlant d’un défaut de vison du feu vert en plein jour puis en cherchant un peu sur le net que je suis tombé sur ce site. Un site très bien fait où j’ai appris qu’il y avait différent degrés et formes de daltonisme. Même si je me suis un peu perdu dans les noms, il me semble que je suis deuteranomalien, protonomalien et tritanomalien un peu près au même degré avec un peu plus pour le rouge et le vert.

À l’époque où j’ai fait le test, j’avais un peu près 10 ans, on m’avait diagnostiqué et ça s’est vérifié, des confusions dans les nuances entre rouge et le vert surtout entre le marron et le rouge et les beiges, entre le bleu et le violet, les mauves étaient des bleus parfois d’autres des violets et entre jaunes et verts. J’ai lu plusieurs de vos témoignages, j’ai du mal à me reconnaitre dans certains, le vert et encore plus le marron, moi pas du tout ! Je suis bien plus sensible au bleu. En revanche, que les daltoniens sont beaucoup plus sensibles à la forme qu’aux couleurs, je suis complètement d’accord avec ça.

Pour preuve, je suis designer ! Et le design, c’est créer les formes qui jalonneront notre quotidien de demain. Et encore plus dans l’automobile où la forme est maître. Le gris métal, le blanc ou le noir ça me convient parfaitement !

Plus sérieusement, je ne pense pas que daltonisme empêche d’entrer dans le monde de la création. Personnellement, faut vraiment pousser loin pour que l’on sache que je suis daltonien. Que ce soit au collège ou au lycée, jamais personne l’a su ou s’en est aperçu. Après dans ma formation de designer, ça s’est révélé plutôt cocasse, un dessin d’une girafe avec un mélange de vert et de jaune, alors que moi je voyais du jaune et du jaune pale, on m’a dit que le mélange était surprenant mais c’était très intéressant. Choisir des feutres (Pantones) où déjà les « normaux » ont du mal à voir certaines nuances alors avec moi, les vendeuses était au « bleu » de chauffe. Dans le monde professionnel, ça s’est révélé parfois, notamment via les ordinateurs mais rien de bien méchant, d’ailleurs je suis réputé pour faire de belle harmonie de couleurs, c’est peut-être parce que j’ai un spectre plutôt équilibré avec des trous, c’est sûr, mais reparti assez équitablement pour voir assez fidèlement les couleurs.

En tout cas, c’est un message d’espoir que j’ai envie de donner, que le daltonisme peut être une force, cela m’a permis d’aller vers le design. Une chose est sûr, c’est que jamais mon daltonisme a été une source de dénigrement, bien au contraire, ma particularité m’a toujours attiré de la sympathie et surtout de franches rigolades !

23. oct., 2018

Colère positive d’un daltonien

Rémi

En cherchant des informations sur l’Internet sur permis de vol à voile et daltonisme, je suis tombé sur votre site. Je vous remercie, ainsi que tous ceux qui ont publié un témoignage. Le daltonisme est courant, mais pourtant aujourd’hui rien n’est fait. Passons tout ce qui est repérage électronique, message d’alertes informatiques, vêtements, les métiers « interdits »... tous ces petits tracas auquel l’on doit faire face tous les jours. Mais justement, à travers tous ces témoignages, on se rend bien compte que le « daltonien est malin », il trouve des astuces, des combines, des contournements, et je pense qu’il sait davantage faire face à une situation anormale.

Pour ma part, mon daltonisme a été détecté assez tôt en école primaire, vers les 6 ans. Au début, j’ai vécu cela comme une tare, et un handicap : avoir jusqu’au lycée les crayons de couleur avec les fameuses étiquettes. Par la suite, je me suis rendu compte que cela pouvait être un formidable avantage. Je m’en suis rendu compte en lycée en cours de géographie. Alors que mes camarades apprenaient « bêtement » une carte en la photographiant dans leur esprit, moi j’apprenais plutôt la « philosophie » de la carte, j’arrivais à superposer à d’autres types de cartes, par exemple relief, régions économiques, ses caractéristiques... Je passerai volontairement sous silence la terreur des cours de chimie où pour détecter la présence d’une substance, ils ont rien trouvé de mieux que des précipitations de couleur bleu, bleu vert, vert, jaune, jaune orangé (d’ailleurs est ce vraiment bien scientifique que de se fier à un jugement subjectif d’une personne ?). Cette lacune a développé ma mémoire, et en en parlant avec mon frère, lui aussi daltonien, et d’autres connaissances eux mêmes daltoniens, des constats similaires pour chacun pouvaient être dressés.

La plus longue journée de daltonien que j’ai pu avoir, cela se passa au cours d’une visite médicale militaire pour un concours d’entrée dans une école d’ingénieur. Cette visite devait durer environ 2 heures. Tout se passait bien jusqu’aux fameux tests de vision. « Vue ok de 10/10, passons aux couleurs ». D’emblée, je leur est dit que j’étais daltonien, ce qui ne les a pas empêché de me faire passer des tests, des examens et encore d’autre tests pendant plus de 4 heures, pour une conclusion finale : « Monsieur, vous êtes daltonien ». Heureusement que ces gens étaient là pour m’informer. Ces personnes, il faudrait leur confier le déficit de la Sécurité Sociale : cela ne résoudrait rien, mais au moins cela le ralentirait considérablement. Passer 4 heures sur une information que je leur avais donnée, il n’y à pas à dire, ils sont efficaces.

En fait de ma vie de daltonien il y a deux choses que je trouve énervante et que je ne supporte plus. La première, c’est cette fameuse question que tout daltonien se voit poser toute sa vie « Ça, tu le vois de quelle couleur, ça ? ». Cette façon d’agir, c’est exactement la même chose que répéter plus fort et plus lentement des explications à quelqu’un qui ne parle pas votre langue. Alors OUI on voit différemment, mais êtes vous sûrs vous les gens dits « normaux » de bien voir de manière identique ce foutu rouge cadmium ou ce bleu cyan. La deuxième, ce sont ces métiers qui nous sont interdits sans vrais arguments qui tiennent la route. Si on avait interdit à un certain sourd la musique, les symphonies de Beethoven n’auraient elles jamais existées ! Si on avait refusé ce fameux cancre d’Einstein en collège, la relativité aurait elle été découverte ? Oui en cas d’urgence le daltonien n’ira pas appuyer sur ce foutu bouton rouge, mais il ira appuyer sur le bouton d’arrêt d’urgence, et il ne le cherchera pas, car il aura mémorisé son emplacement.

Cette colère est positive, car pour quelqu’un comme moi qui n’aime pas se faire marcher sur les pieds, j’ai compensé mon daltonisme en trouvant des astuces, en développant ma mémoire mais aussi mon sens de la répartie, car pour ne pas passer pour un c**, il faut savoir trouver très vite des arguments pour démontrer que le véritable c** dans l’affaire, c’est l’autre. Aujourd’hui, même si un traitement existait, je ne le prendrai pas, car je veux continuer à être différent et emprunter des chemins qui ne sont pas tracés. La découverte et le marginalisme sont tellement plus intéressants que le conformisme.

23. oct., 2018

Des enseignants sensibilisés

Rémy

Si, si, il y a des enseignants sensibilisés...

Du temps de la craie , ça faisait toujours marrer les élèves au début de l’année quand le je leur disais de recopier ce que j’avais écrit en rouge alors qu’il n’y avait que du marron, ou bien d’encadrer comme moi le COD en jaune, ce que je m’étais appliqué à faire dans un splendide vert clair.

Mais bon, les explications données, ils acceptaient très vite la chose et allaient me trouver d’eux-mêmes la bonne teinte dans la boite de craies pour me la donner. Et à celui ou celle qui souriait encore bêtement quand je me trompais, il y en avait toujours un pour lui dire d’un ton outré : « mais tu ne sais pas que le maitre il ne voit pas les couleurs comme nous ? ». Souvent les enfants sont plus compréhensifs que les adultes, il suffit de trouver les mots justes. J’espère que ces enfants, aujourd’hui jeunes adultes, savent ce qu’est un daltonien et l’acceptent comme tel.

Par ailleurs, je n’ai jamais eu de difficultés particulières quand j’avais le temps (ce que je n’ai plus aujourd’hui, mais c’est un autre problème inhérent aux conséquences des programmes et des horaires imbéciles qu’on nous demande d’appliquer) de proposer des activités picturales aux enfants. Jamais je ne leur ai demandé de reproduire quelque chose avec la bonne forme et la bonne couleur. Je basais tout ce qui était de l’ordre du dessin sur l’humour, ce qui donc induisait la liberté de colorer de façon non conventionnelle. Pour ce qui était de l’ordre de la création, je faisais du « à la manière de » Mondrian, Polock, Miro, etc. Et tout le monde était content , moi le premier car tout daltonien que j’étais , j’arrivais à faire jouer mes élèves avec les couleurs et leur faire prendre du plaisir sans jamais avoir à citer ces noms barbares qui ne représentent rien pour nous, comme pourpre, terre de sienne, vermillon, cyan, ocre jaune , violet profond, bleu moyen et tutti quanti.

Mais revenons au présent : plus de craies, vive le tableau Velléda et ses belles 5 seules couleurs sur fond blanc : bleu, rouge, vert, orange... et violet, flûte ! Pas moyen de le distinguer du bleu, sauf qu’il est un poil plus foncé, ce que je ne vois évidemment que lorsque je compare les capuchons des deux feutres. Parce que quand je prends un feutre seul sans le comparer à l’autre, loi des statistiques oblige, j’ai 50% de chances de me gourer. Donc, j’ai déclaré aux élèves qu’au tableau je n’écrirais qu’en bleu ou en violet, les 3 autres couleurs servant à la correction. Pour le reste , je crée les exercices et les leçons sur l’ordinateur, et je les sors avec la photocopieuse noir et blanc : les jeux de caractères ( souligné, gras, italique, encadré, majuscule, police différente) permettent de m’affranchir d’un code couleur qui à dire vrai emm...... autant les daltoniens que les trichromates normaux. Et ça suffit largement. Oubliée donc l’antique ronéo à alcool, les stencils (très) longuement faits à la main avec des carbones hectographiques de teinte différente qu’il fallait changer pour mettre en évidence un mot, un verbe, un complément. Pour s’entendre dire le lendemain par les élèves « Il doit bien être en rouge, le verbe ? Pourquoi il est marron, alors ? »

Bref, conclusion, pour ce que j’en constate au niveau des élèves daltoniens ou pas, les symboles visuels sont plus efficaces et plus facilement intégrés que les codes-couleur. Peut-être une piste à suive pour les signalétiques au sens large, y a t il un scientifique dans la salle pour faire une étude ? Cela dit, je viens de comprendre en cette rentrée 2009 que jusqu’à présent, j’ai agi comme un andouille. En effet, ma position professionnelle face aux couleurs a été celle de l’esquive, que tous les daltoniens du monde pratiquent pour se protéger du regard ou de l’incompréhension des autres.

C’est ainsi que ne mettant jamais, et pour cause, les enfants en situation de « se tromper de couleur » afin d’éviter aux daltoniens potentiels les désagréments scolaires que j’ai moi-même subi, et que relatent avec souvent beaucoup d’humour (rétrospectif, toutefois) les témoignages du site, j’ai tout simplement négligé de dépister le daltonisme chez mes élèves. Avec peut-être des conséquences sur leur orientation, avec à le clef le funeste « métier interdit pour cause de daltonisme » briseur de rêves, qui m’a valu une déprime à l’âge de 15 ans.

Mais on connait tous la chanson, pour se l’être entendue fredonner avec plus ou moins de mépris par le chanteur au moins une fois dans sa vie. Tout ça pour dire qu’en ce début d’année scolaire 2009, j’ai expliqué comme d’habitude aux enfants que dans ma classe ils n’auraient pas droit à la symbolique habituelle des couleurs puisque leur maitre était le 5ème Dalton après Averell. Puis, chose que je n’avais jamais faite, j’ai voulu leur faire comprendre, par l’Internet et vidéoprojecteur interposé (vive la technologie, ça n’aurait pas été possible il ya seulement 3 ou 4 ans) ma façon de voir le monde : photo de la péniche, des casquettes, des fraises, des tableaux, etc. Et puis je leur ai montré quelques planches du sieur Ishihara en disant : « eh bien moi, je ne vois que des points, mais vous, par contre vous devriez voir tel nombre ». Ben oui, sauf qu’il y en avait 5 (trois garçons et deux filles) qui y voyaient pétoule comme on dit chez nous. J’avais simplement oublié que nous sommes tout de même 1/10 du genre humain, et que statistiquement il devait y avoir 3 jeunes Daltons dans la classe. Et j’ai subitement réalisé que dans ma carrière, j’ai dû en laisser filer dans la nature près d’une quarantaine ! La honte absolue ! Du coup, ceux-là, je les ai choyés : je leur ai fait faire le test de J. Jouannic sur internet (tous positifs, dont l’un à 98% !), et pour en avoir le cœur net je les ai un peu questionnés sur des situations « colorées » qu’ils avaient pu vivre et qui avaient pu les dérouter ou les peiner suite à la réaction de leur entourage, mais chaque daltonien sait à quoi je fais allusion. Puis j’ai dit à leurs parents qu’à mon avis, ils faisaient partie des nôtres, et que le plus sage était de consulter un ophtalmo qui confirmerait ou affinerait la suspicion. « Mais ce n’est pas possible, il/elle connaît ses couleurs sans se tromper » ; « Vous croyez ? pourtant son cartable est rouge et il/elle ne m’a jamais dit qu’il était vert » ; « Ben mince, alors, il/elle ne m’a jamais dit qu’il voyait les couleurs autrement ( !!!!?) » .

Incompréhension et ignorance générale du phénomène sont bien une réalité. J’ai commencé par dédramatiser la chose : ce n’est ni une maladie, ni un handicap, juste une autre façon de voir, qui d’ailleurs quelquefois nous avantage par rapport au commun des mortels. Mais j’ai insisté sur le seul danger, bien réel et autrement plus grave que le simple fait de ne pas percevoir toutes les couleurs. Ce danger, c’est la déconvenue dans les perspectives professionnelles, si il n’y a pas, dès le diagnostic , un long et permanent travail des parents pour guider avec tact et douceur leur enfant vers une voie d’avenir professionnel qui ne se termine pas par un butoir aussi stupide, borné et injuste qu’inamovible et inébranlable, genre Ishihara, anormaloscope ou lanterne de Beyne.

J’ai ensuite fait des recherches sur l’Internet, d’où découverte du présent site ; j’espère qu’il n’est pas clos vu que les archives les plus récentes sont de 2008 ; j’ai recherché les Ishihara où seuls les Daltoniens voient quelque chose, et je les présentés à la classe, ce qui a permis un débat très intéressant pour des CM2 : qui a « raison » ou « tort » dans sa vison ? Le soi-disant normal ? Le daltonien ? Les animaux qui voient l’infrarouge ? Les oiseaux qui voient les colonnes d’air chaud ? La chauve-souris qui « voit » avec ses oreilles ? Le chien qui voit en noir et blanc ?

Au fait, c’est quoi la vraie couleur, puisque selon la lumière du soleil, d’une ampoule jaune, d’une lampe à UV, la couleur d’un objet n’est pas la même ? Et savez vous que les objets n’ont pas de couleur en tant que telle, la couleur qu’on leur attribue n’est que celle(s) du spectre lumineux qu’ils réfléchissent ou qu’ils n’absorbent pas ? (bon là, j’avoue quand même que c’était un peu ardu pour eux de conceptualiser le truc).

23. oct., 2018

Les rouges sont éteints et les verts chantent

JF

Dans le site, je partage une bonne partie du témoignage Pourquoi le daltoniens préfèrent le vert. Et je voudrais ici apporter un peu d’eau à son moulin.

Mon daltonisme a été détecté tard (18 ans). On m’a annoncé que je confondais un brun plutôt chocolat avec un certain rouge plutôt bordeaux. En fait, sans avoir fait diagnostiquer cela plus précisément depuis (j’ai maintenant 56 ans), vu ce que vous écrivez sur le site, je suis sans doute ce qu’on appelle un deutéranomalien. Est-ce grave docteur, je ne sais pas. Cela me paraît plus être une question « d’intensité » des couleurs.

La meilleure façon de décrire mon ressenti aux gens qui me questionnent est de leur dire que pour moi les rouges sont « éteints », que les verts chantent, et que c’est pour ça que j’aime bien les fleurs bleues.

C’est bien un handicap dans la vie quotidienne quelquefois. Par exemple, un feu rouge ce n’est pas vraiment choquant. Et il m’est arrivé de griller un feu rouge en m’en rendant compte tardivement. Ce qui peut être très choquant !

Évidemment, on se fait moquer quand, sur une photo de vacances, on ne repère pas au premier coup d’œil le beau « flamboyant » au milieu d’une vaste prairie verte.

Mais je partage le point de vue de Philippe sur un point important : « chez les deutéranomaliens, la présence de plusieurs pigments verts distincts augmenterait la richesse de palette visible dans la gamme du vert ».

Il n’est pas sûr qu’il soit facile de faire la part des choses (apprentissage spécifique ou avantage physiologique), mais une chose est sûre les verts et leurs nuances, leur luminosité dans le soleil couchant, sont extrêmement émouvants. Et il n’est pas facile de faire partager cette émotion à des gens "normaux".

Autre anecdote : il me semble que le handicap aux sujets des couleurs peut amener le daltonien à développer d’autres stratégies de discrimination. Par exemple, j’ai tendance à attribuer à mon daltonisme ma plutôt bonne faculté à retrouver les framboises sous les feuilles grâce à leur forme spécifique, ce qui est plutôt utile : miam...